ABECEDAIRE DU CONTRAT DE TRAVAIL ET DE SA RUPTURE

21 Juil 2021 | Non classé

Aussi curieux que cela puisse paraître, il n’existe aucun texte légal qui définit le contrat de travail.

 En l’absence de définition légale, il faut de référer à la jurisprudence qui considère qu’un contrat de travail existe quand une personne s’engage à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre personne, en contrepartie d’une rémunération.

Ainsi il y a contrat de travail entre deux personnes, quand une prestation de travail est réalisée par l’une, moyennant rémunération versée par l’autre, et qu’un lien de subordination juridique existe entre elles.

Avec la pléthore des contrats (A) qui existent sur le marché du travail, CDI, CTT, CAE, CIE etc….. on ne sait à quel « seing » se vouer.

 Cependant une démarche de vulgarisation permet de résumer ces contrats et de les classer essentiellement dans deux catégories : 1) ceux à durée indéterminée (CDI) et 2) ceux à durée déterminée (CDD).

 A l’instar de cette dichotomie (B), les formes de rupture des contrats suivront un même parallélisme et seront différentes selon que le contrat soit à durée indéterminée (1) ou à durée déterminée (2).

 A- Une abondance de contrats…..mais pas vraiment

 1) En effet le contrat de travail à durée indéterminée est le mode de recrutement de droit commun. Le recours au CDD et au travail temporaire est strictement encadré par la loi.

 Le contrat de travail à durée indéterminée étant la forme normale et générale de la relation de travail, il peut être établi selon les formes que les parties auront décidé de voir adopter. Ainsi l’écrit n’est pas obligatoire pour conclure un CDI et partant, le contrat verbal est possible et valable.

Cette règle ne vaut que pour les contrats à temps complet.

Toutefois, le droit de l’UE impose à l’employeur d’informer le salarié par écrit, dans un délai de 2 mois après le début du travail, des éléments essentiels applicables à la relation de travail.

Quoi qu’il en soit, il est dans la pratique fortement recommandé de rédiger un contrat de travail écrit afin d’éviter tout contestation future tant sur la portée que sur le contenu de l’accord passé entre l’employeur et le salarié.

 Si le CDI est conclu pour une durée de travail à temps partiel, il devra obligatoirement être établi par écrit, afin que soit précisé notamment la durée et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ainsi que les modalités de modification de cette répartition.

A défaut d’écrit ou de mention de la durée de travail de référence, de sa répartition et du volume d’heures complémentaires, outre la présomption d’un contrat qui serait alors conclu à temps complet, l’employeur est passible d’une amende pénale (contravention de 5ème classe pouvant aller jusqu’à 1.500 €uros pour un employeur personne physique et jusqu’à 7.500 €uros pour une personne morale).

 2) Contrairement au CDI qui par définition comme son nom l’indique, n’a pas de terme précis, le contrat à durée déterminée (CDD) donne un début et une fin au contrat de travail.

Il est l’inverse du CDI, avec une durée de contrat déterminée à l’embauche.

Etant strictement encadré par la loi, son recours n’est possible que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire.

Il ne peut et ne doit avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Ainsi le CDD ou le contrat de mission, pourra être conclu pour remplacer un salarié absent, ou dont le contrat est suspendu, ou en cas de départ définitif d’un salarié précédant la suppression du poste de travail, ou dans l’attente de l’entrée en service d’un salarié sous CDI quand ce dernier n’est pas immédiatement disponible.

L’usage d’un CDD ou d’un contrat de mission, est également possible en cas d’accroissement temporaire de l’activité de l’employeur, soit qu’il y ait une augmentation temporaire de l’activité habituelle, soit l’exécution d’une tâche occasionnelle, ou l’arrivée d’une commande exceptionnelle.

De même il est autorisé de faire appel à un CDD ou un contrat de mission, pour des emplois saisonniers dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité plus ou moins fixe, régulière, prévisible et cyclique.

 En outre il est possible de consentir un CDD ou un contrat de mission, pour les emplois pour lesquels, il est d’usage constant de ne pas recourir à un CDI, du fait de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, tels que dans les secteurs de l’hôtellerie, restauration, les centres de loisirs et de vacances, les activités foraines, les activités d’enquête et de sondage, les activités de prêt de main-d’oeuvre exercées par les associations intermédiaires et les associations et entreprises de services à la personne.

On y trouve également le travail temporaire ou Intérim (CTT – Contrat de travail temporaire ou Intérim), qui est établi via une entreprise de travail temporaire qui fait office d’intermédiaire avec les employeurs et les salariés.

 Enfin le recours au CDD est possible dans le cadre de la politique de l’emploi, pour favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi, ou assurer un complément de formation professionnelle au salarié.

On y trouve plusieurs types de contrats, tels que:

 Le contrat d’apprentissage (alternance)

Il existe deux types de contrats pour se former : le contrat d’apprentissage et le contrat de professionnalisation. Le premier s’adresse aux 16-25 ans mais peut être accordé à davantage de jeunes dans certains cas.

 Le contrat de professionnalisation (alternance): il s’adresse également aux 16-25 ans mais aussi aux demandeurs d’emploi de plus de 25 ans qui souhaitent acquérir des compétences professionnelles spécifiques.

 Le contrat unique d’insertion (CUI): dispositif en faveur des chômeurs pour les aider à trouver un emploi. Il s’agit d’un contrat d’avenir. Il existe deux types de CUI : les CUI-CAE et les CUI-CIE.

 Le contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE): c’est l’équivalent du CUI du secteur non-marchand. Il dure au moins 6 mois, sauf cas particuliers, et la durée totale du contrat (renouvellements compris) ne peut excéder 24 mois ou 60 mois pour les 50 ans et plus bénéficiaires du RSA et les travailleurs handicapés.

 Le contrat initiative emploi (CIE), correspond au CUI du secteur marchand. Sa durée maximale ne peut excéder 24 mois même si les plus de 50 ans peuvent bénéficier d’une dérogation.

 B- La rupture des contrats : d’une liberté de décision aux carcans législatifs

 La classification binaire des contrats (CDI v/s CDD) trouve tout son sens quand arrive le moment de sa fin.

En effet mettre un terme à un contrat de travail, ne s’analyse ni ne s’appréhende de la même façon que le contrat soit à durée indéterminée ou à durée déterminée ou de mission.

 Pour un contrat à durée indéterminée

 Une fois la période d’essai terminée, le salarié et l’employeur peuvent rompre unilatéralement le contrat de travail.

 – Pour le salarié cette rupture prend différente forme: la démission, le départ à la retraite, ou la prise d’acte de rupture du contrat.

 La démission réside pour le salarié à faire connaître à son employeur, sa décision de résilier le contrat de travail. Cette décision doit être librement consentie et résulter d’une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat.

Elle ne peut donc être ni viciée, comme par exemple par la contrainte, ni se présumer.

La démission entraîne la rupture automatique et définitive du contrat de travail à l’issue du délai de préavis que le salarié devra respecter, sauf dispense expresse de l’employeur.

La démission étant une décision unilatérale du salarié, elle n’a pas à être acceptée par l’employeur.

 Concernant le départ à la retraite, soit le salarié est âgé d’au moins 70 ans, et dans ce cas l’employeur peut le mettre à la retraite, soit le salarié est âgé de moins de 70 ans et a atteint l’âge requis pour bénéficier automatiquement d’une pension de retraite à taux plein (entre 65 et 67 ans en fonction des années de naissance et de cas très spécifiques), et dans ce cas l’employeur pourra proposer la mise à la retraite du salarié en respectant une procédure particulière.

Ainsi l’employeur devra interroger son salarié par écrit dans un délai de 3 mois avant sa date d’anniversaire et si le salarié ne donne pas son accord pour quitter volontairement l’entreprise, l’employeur ne pourra pas mettre l’intéressé à la retraite pendant l’année qui suivra, et devra renouveler l’opération dans les mêmes conditions l’année suivante et cela jusqu’aux 69 ans du salarié.

Enfin tout salarié peut enfin quitter son entreprise pour bénéficier d’une pension de retraite en manifestant clairement et de façon non équivoque, sa volonté de départ à la retraite.

Il devra respecter un préavis égal à celui prévu en cas de licenciement, et la rupture sera effective au terme de ce préavis.

Le salarié bénéficiera d’une indemnité de départ à la retraite à condition d’avoir effectivement demandé la liquidation de sa pension de vieillesse.

 Quant au fait pour un salarié de faire reproche à son employeur de manquements à ses obligations, il pourra prendre acte de la rupture du contrat et initiera une procédure devant le Conseil des Prud’hommes afin qu’il soit statué sur les effets de cette rupture.

Soit les manquements sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail et la prise d’acte produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit les manquements ne sont pas établis ou pas suffisamment graves, et la prise d’acte de rupture produira les mêmes effets qu’une démission.

 Dans le même esprit, le salarié peut demander au Conseil des Prud’hommes la résiliation judiciaire du contrat de travail s’il estime que l’employeur a manqué à ses obligations. Cette procédure est moins risquée pour le salarié si le juge estime que les manquements ne sont pas suffisamment graves, car la relation contractuelle se poursuivra et ne sera pas considérée comme assimilée à une démission.

 – Pour l’employeur la rupture sera la conséquence soit de la mise à la retraite (supra pour le salarié d’au moins 70 ans), soit d’un licenciement.

 Sur ce dernier point, le licenciement est pour l’employeur le mode de rupture de droit commun du contrat de travail à durée indéterminée. Ainsi il devra justifier d’un motif légitime et mettre en oeuvre une procédure très encadrée.

Parmi les motifs à avancer par l’employeur, certains seront inhérents à la personne du salarié appelés « motifs personnels », et d’autres liés à des considérations d’ordre économique appelés « motifs économiques ».

Sans rentrer dans trop de détails sur le sujet, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, pour motif disciplinaire ou en dehors de tout comportement fautif de l’intéressé comme par exemple une insuffisance professionnelle, de résultats ou une mésentente imputable au salarié concerné.

Quant au motif économique, il est défini par le Code du Travail, comme un motif non inhérent à la personne du salarié, résultant d’une suppression ou d’une transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à la cessation d’activité de l’entreprise ou à une réorganisation de celle-ci nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

 – Aussi bien à l’initiative du salarié que de l’employeur, l’un et l’autre peuvent également décider en commun de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée en signant une convention soumise à une homologation administrative par l’Inspection du Travail. Il s’agit de la rupture conventionnelle homologuée.

C’est le seul mode de rupture amiable individuelle du contrat de travail en dehors de la rupture anticipée du CDD exposé ci-dessous, ou du contrat d’apprentissage.

 Pour un contrat à durée déterminée ou contrat de mission

 Contrairement à la rupture d’un CDI, ou l’initiative peut résulter aussi bien du salarié, que de l’employeur, pour des motifs légitimes, personnels ou économiques, la rupture d’un CDD obéit à des règles qui lui sont propres et qui sont exhaustives.

 Parmi les raisons qui permettent de rompre un contrat à durée déterminée, on trouve naturellement la cessation du contrat à l’échéance du terme de ce dernier.

En effet qu’il soit de date à date, ou sans terme précis, le CDD cesse de plein droit à l’échéance du terme sans que l’employeur n’ait à observer le moindre délai de prévenance.

Cette rupture ouvrira droit pour le salarié à une indemnité de fin de contrat (sauf pour les emplois saisonniers).

 La rupture du CDD peut également intervenir avant le terme initialement et contractuellement fixé ou avant la fin de la réalisation de son objet, qu’en cas d’accord des parties, pour faute grave, en cas de force majeure, en cas d’inaptitude physique du salarié ou si ce dernier justifie d’une embauche en CDI.

 En cas d’accord des parties, celui-ci devra résulter d’une volonté claire et non équivoque de mettre fin aux relations contractuelles tant de la part du salarié que de l’employeur.

Cette rupture ouvrira droit au salarié au paiement de l’indemnité de fin de contrat si ce dernier y ouvre droit.

A l’instar de la rupture conventionnelle homologuée pour les CDI, la rupture d’un commun accord devra être matérialisée par écrit.

 Si l’une ou l’autre des parties a commis une faute grave, l’autre partie (salariée ou employeur) pourra rompre unilatéralement le contrat. Comme pour le CDI elle s’analyse comme un manquement suffisamment grave ne permettant pas la poursuite des relations contractuelles.

Le salarié ne percevra pas d’indemnité de fin de contrat.

 En cas d’inaptitude physique du salarié, l’employeur pourra rompre le contrat à durée déterminée de manière anticipée. Le salarié aura droit à une indemnité de rupture dont le montant est égal à l’indemnité légale de licenciement (le double en cas d’accident de travail ou maladie professionnelle) et à l’indemnité de fin de contrat.

 En cas de force majeure, savoir en cas de survenance d’un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution, comme par exemple en cas d’incendie ou d’événements naturels détruisant l’entreprise et l’outil de travail, le contrat peut être rompu de façon anticipée. Elle n’ouvrira pas droit à l’indemnité de fin de contrat au profit du salarié.

 Enfin le salarié peut rompre de façon anticipée son CDD, s’il justifie de la conclusion d’un CDI.

Il devra respecter un délai de préavis et ne percevra pas d’indemnité de fin de contrat.

 En résumé bon nombre d’employeurs ont tendance à penser qu’en dehors des cas où les CDD sont la norme,  leur recours peut être plus protecteur et rassurant, car présentant un terme. De la même façon, le salarié a le sentiment avec un contrat à durée déterminée, d’être moins tenu, moins contraint et quelque part plus libre vis-à-vis de son employeur.

Or comme nous l’avons vu, les cas de rupture sont limitativement prévus et laissent peu de place à l’initiative personnelle.

Le licenciement (sauf faute grave) et la démission n’existent pas pour les CDD.

 Ainsi et contrairement aux idées reçues, avoir recours à un CDI demeure dans l’absolu plus protecteur.

 Il n’existe pas de bons ou de mauvais contrats, mais seulement des contrats plus ou moins bien adaptés.

 Un seul et unique conseil à retenir…..se faire assister par un professionnel du droit dans la rédaction du contrat.

 Me Richard THIBAUD