COVID-19 OU LA NOTION HASARDEUSE DE LA FORCE MAJEURE
REPORT ET NON SUSPENSION DES LOYERS PROFESSIONNELS ET COMMERCIAUX
La publication du décret n°2020-371 du 30 mars 2020 fixant les conditions d’éligibilité et d’attribution des aides du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques de la crise sanitaire en cours permet désormais de déterminer quelles entreprises sont susceptibles de bénéficier des mesures spécifiques relative au paiement de leurs loyers en vertu de l’ordonnance n°2020-316 du 25
mars 2020.
Aux termes de l’article 1er de décret, ces mesures bénéficient : « … aux personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, ci-après désignées par le mot : « entreprises », remplissant les conditions suivantes :
- Elles ont débuté leur activité avant le 1er février 2020 ;
- Elles n’ont pas déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ;
- Leur effectif est inférieur ou égal à dix salariés. Ce seuil est calculé selon les modalités prévues par le I de l’article L. 130-1 du code de la sécurité sociale ;
- Le montant de leur chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d’euros. Pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros ;
- Leur bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l’activité exercée, n’excède pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos. Pour les entreprises n’ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29
février 2020, sur leur durée d’exploitation et ramené sur douze mois ; - Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse et n’ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d’indemnités journalières de sécurité sociale d’un montant supérieur à 800 euros ;
- Elles ne sont pas contrôlées par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce ;
- Lorsqu’elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l’article L. 233- 3 du code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d’affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 4° et 5° ;
- Elles n’étaient pas, au 31 décembre 2019, en difficulté au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité ».
En outre, l’article 4 de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 dispose :
« Les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. »
Ainsi il appert de ces dispositions l’impossibilité pour le bailleur de mettre en œuvre toute sanction contractuelle pour non-paiement des loyers et des charges échus postérieurement au 12 mars 2020 et jusqu’à l’expiration d’une période de deux mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.
Cependant si la possibilité d’un report ne fait plus débats depuis la publication du décret n°2020-371 du 30 mars 2020, la question du recours à la notion de « force majeure », demeure juridiquement et théoriquement possible, même si ce recours est incertain.
En effet et en dehors des mesures spécifiquement prévues ci-dessus, le locataire d’un local d’activité se trouve donc dans la même situation que le locataire d’un logement d’habitation.
Il doit régler ses loyers et charges en totalité à la date fixée dans le contrat.
Toutefois, la notion de « force majeure » prévue à l’article 1218 du Code civil, savoir l’existence d’un événement qui échappe au contrôle d’une au moins des parties (qui est imprévisible, irrésistible et extérieur), permettrait pour ceux qui ne sont pas visés par le décret n°2020-371 du 30 mars 2020, de bénéficier du report des loyers et charges et d’une façon plus générale dans tous les cas de figure, à tout locataire de solliciter l’annulation desdits loyers et charges sans pénalité.
Dans ce cas, un locataire qu’il soit privé ou professionnel, pourrait solliciter auprès de son bailleur non pas le simple report, mais plutôt la suspension, savoir l’annulation des loyers et des charges pendant la période de crise sanitaire.
Mais cette argumentation juridique reste malgré tout hasardeuse et en cas d’échec d’une tentative de règlement à l’amiable du litige avec le bailleur, seul le juge pourra souverainement décider si le locataire est ou non bien fondé à exiger la suspension des loyers.
Dans ce domaine un vide juridique existe et tout laisse à penser qu’il donnera lieu au sortir de l’état de crise sanitaire, à de nombreuses jurisprudences.