PASS SANITAIRE : SESAME TRANSITOIRE ?

2 Août 2021 | Non classé

Face aux risques élevés de rebond de l’épidémie de Covid-19 liés au variant Delta sur tout le territoire, le président de la République, a annoncé le 12 juillet 2021 de nouvelles mesures sanitaires, parmi lesquelles le « Pass sanitaire » étendu à tous les lieux de culture et de loisirs à partir du 21 juillet 2021, la vaccination obligatoire pour les personnels des établissements de santé avant le 15 septembre, ainsi que les tests de « confort » payants à l’automne.

Extension du pass sanitaire

Depuis le 21 juillet 2021, le « Pass sanitaire » est devenu obligatoire dans tous les lieux et événements prévus pour des activités culturelles, sportives et de loisirs (théâtres, cinémas, musées, parcs d’attractions, festivals, salles de concerts, établissements sportifs couverts…) accueillant au moins 50 personnes.

Pour accéder à ces lieux, les personnes de plus de 12 ans doivent donc présenter une preuve de non contamination à la Covid, savoir une attestation de vaccination complète, ou un test négatif RT-PCR ou antigénique de moins de 48 heures, ou le résultat d’un test RT-PCR positif d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois, attestant du rétablissement du Covid.

Il peut être présenté sous format papier ou numérique à partir de l’application « Tousanticovid ».

Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire examiné par le Parlement depuis le 20 juillet 2021, a été définitivement adopté le 25 juillet dernier, étendant ces mesures.

Sous réserve de la validation par le Conseil Constitutionnel qui doit rendre sa décision le 5 août prochain, la loi rentera en vigueur à compter du 09 août 2021.

– Ainsi le « Pass sanitaire » devrait être obligatoire dans les cafés, bars et restaurants, même en terrasse, mais aussi dans les centres commerciaux (sur décision du préfet du département en raison de ses conditions sanitaires), les hôpitaux, les maisons de retraite. Il devrait être également obligatoire à bord des avions, des trains (TGV, Intercités) et cars interrégionaux pour les trajets de longue distance.

Le personnel des lieux où le « Pass sanitaire » est imposé aux clients devront également être munis du « Pass sanitaire » à compter du 30 août 2021. À défaut de présenter ce pass, leur contrat de travail pourra être suspendu, sans salaire. Une affectation sur un autre poste, sans contact avec le public, pourra leur être proposée. Il ne sera pas possible d’être licencié pour défaut de « Pass sanitaire ». Toutefois, les contrats de travail à durée déterminée (CDD) pourront être rompus par les employeurs.

La possibilité d’un licenciement spécifique pour défaut de « Pass sanitaire » au bout de deux mois, initialement prévue par le gouvernement, a été supprimée par les sénateurs.

Ce nouveau « motif spécifique » de licenciement ayant été supprimé, les choses n’en sont pour autant pas plus claires.

En effet les employés de ces secteurs ne pourront, de fait, pas travailler sans « Pass sanitaire » à compter du 30 août. Si le travailleur ne présente pas ces justificatifs, il pourra « avec l’accord de son employeur », utiliser « des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés » ou bien être affecté « sur un autre poste non soumis à cette obligation ». S’il le refuse, il risque une suspension du contrat de travail, qui « s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération », ainsi que l’arrêt de certains droits. 

Cependant et malgré l’exclusion de ce nouveau motif de licenciement, la Ministre du Travail Madame Elisabeth BORNE, a pour autant indiqué que « si les licenciements seront rares, ils ne sont pas à exclure », poursuivant qu’il « ne faut pas laisser croire que les salariés ne pourront pas être licenciés ».

En effet, l’employeur pourra de fait, toujours se séparer d’un travailleur (cf Les Petites Affiches du 14 juillet 2021), arguant de motifs réels et sérieux et surtout pour d’autres motifs que celui de « défaut de Pass sanitaire ».

Le texte actuel ne comporte aucune disposition claire et non équivoque interdisant tout licenciement pour un salarié qui n’a pas de pass sanitaire.

Or tout ce qui n’est pas expressément interdit est par conséquent autorisé.

Le pouvoir disciplinaire de l’employeur et les motifs de droit commun, s’appliqueront.

Ainsi l’employeur pourra toujours utiliser ou pas son pouvoir de direction et partant, licencier le salarié dont le contrat de travail est de facto suspendu pour non-présentation du « Pass sanitaire ».

L’employeur pourra ainsi par exemple, justifier le licenciement pour « l’absence prolongée » si l’absence du salarié, en l’espèce suspendu pour défaut de Pass sanitaire, désorganise l’entreprise.

Il pourra également justifier le licenciement pour « inaptitude » à travailler,  sous condition que la médecine du travail déclare un salarié « inapte à travailler du fait de l’absence d’un test PCR ou d’un pass sanitaire ».

Dès lors et quand bien même l’esprit de la loi soumise au Conseil Constitutionnel, va dans le sens d’une interdiction de licenciement au motif de défaut de Pass Sanitaire, le texte ne le mentionne pas expressément, laissant ainsi le droit commun et les dispositions du Code du travail s’appliquer.

La jurisprudence qui en découlera, tranchera le débat, car seul le juge apprécie souverainement le bienfondé et la validité des motifs du licenciement.

Toutefois tout amène à pense que de tels licenciements seront à la marge, compte tenu du caractère précaire et transitoire (voir infra) du dispositif de l’état d’urgence sanitaire.

– Pour les adolescents de 12 à 17 ans, le « Pass sanitaire » s’appliquera à compter du 30 septembre 2021 dans les lieux où il sera exigé. Alors qu’avant l’accord des deux parents était nécessaire, le texte change cette condition en demandant désormais l’accord d’un parent seulement. Pour les mineurs de 16 ans, l’autorisation parentale est totalement supprimée. 

Des sanctions sont encourues en cas de non-présentation par le public du pass (au minimum 135 €uros d’amende) et d’absence de contrôle par les commerçants et professionnels chargés de le vérifier (mise en demeure et éventuelle fermeture temporaire de l’établissement, puis en cas de récidive peine d’un an de prison et 9 000 €uros d’amende).

Vaccination obligatoire pour les personnels de santé

L’obligation de vaccination avant le 15 septembre 2021 concerne :

– tous les personnels, soignants ou non soignants, des hôpitaux, cliniques, maisons de retraite, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et établissements pour personnes en situation de handicap ;

– tous les professionnels ou les bénévoles en contact avec des personnes âgées ou vulnérables, y compris à domicile, ainsi que les sapeurs-pompiers et certains militaires.

À partir du 15 septembre, ces personnes ne pourront aller travailler que si elles présentent à minima un test négatif et qu’elles ont reçu une première dose. Elles auront jusqu’au 15 octobre pour justifier d’un certificat de statut vaccinal complet.

Des contrôles pourraient être opérés et des sanctions prises à l’encontre des personnels non vaccinés dans les délais impartis.

À défaut d’avoir été vaccinés dans les temps, les salariés et les agents publics pourront être suspendus, sans salaire.

Tests de dépistage de « confort » payants

À l’automne, les tests PCR et antigéniques de dépistage du Covid-19, dits de « confort », c’est-à-dire réalisés pour se rendre dans un lieu où le pass sanitaire est obligatoire ou pour voyager, devraient devenir payants.

Seuls les tests PCR ou antigéniques prescrits par un médecin ou pour les personnes en situation de cas contact pourront être pris en charge par l’Assurance Maladie.

L’isolement des cas positifs pour dix jours

Jusqu’au 15 novembre 2021, toutes les personnes dépistées positives au Covid-19 devront s’isoler pendant dix jours à leur domicile, sauf opposition du préfet, ou dans un autre lieu adapté. L’isolement pourra prendre fin plus tôt en cas de nouveau test négatif au virus. 

Les malades isolés ne pourront sortir qu’entre 10 et 12h ainsi qu’en cas d’urgence ou pour effectuer des déplacements indispensables hors de ce créneau. Ils pourront toutefois demander au préfet un aménagement pour raisons familiales ou personnelles.

En cas de violation de l’isolement, l’assurance maladie pourra saisir le préfet et les forces de l’ordre pourront procéder à des contrôles (sauf entre 23h et 8 h). Des sanctions sont applicables.

Les malades placés à l’isolement pourront à tout moment saisir le juge des libertés et de la détention (JLD), qui devra statuer dans les 72 heures.

Le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire prolongé

Le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire, mis en place par la loi du 31 mai 2021 jusqu’au 30 septembre 2021, est prolongé jusqu’au 15 novembre 2021 (contre le 31 décembre 2021 dans le texte initial déposé par le gouvernement).

À cette date, toutes ces nouvelles mesures devront prendre fin si le régime ne subit pas de nouvelles modifications.

Me Richard THIBAUD